Le 10 octobre dernier, j’ai eu l’honneur de participer au forum international « War, Peace, and Neutrality » aux Nations Unies à Genève, organisé par le Geneva Center for Neutrality (GCN), la Mission permanente du Turkménistan et le Greater Caspian Association. Cet événement a réuni plus de 300 diplomates, universitaires et décideurs pour réfléchir à la place de la neutralité dans un monde traversé par les crises et la polarisation.
Ce que j’ai voulu rappeler, c’est que la neutralité n’est pas un concept du passé, ni une posture d’indifférence. C’est une forme de responsabilité active. Être neutre, ce n’est pas se taire ; c’est créer les conditions du dialogue lorsque d’autres ne le peuvent plus. Dans une époque marquée par la fragmentation du monde et la montée des méfiances, la neutralité reste l’un des rares principes capables de retisser la confiance entre les États.
J’ai proposé de penser la neutralité comme un édifice à trois étages :
– Le plan juridique, fondé sur les conventions internationales ;
– Le plan de la perception, c’est-à-dire la manière dont les autres voient et croient en votre neutralité ;
– Enfin, l’idéal de détachement total, que peu atteignent mais qui guide l’action.
Pour la Suisse, tout se joue au deuxième étage : la confiance et la perception. Sans crédibilité, notre neutralité perd sa valeur diplomatique. Ces dernières années, cette image a été fragilisée ; il est urgent de la restaurer si nous voulons continuer à jouer un rôle de médiateur entre des puissances qui ne se parlent plus.
J’ai également défendu la nécessité de faire entrer la neutralité dans le monde numérique. Dans un contexte où les données, l’intelligence artificielle et les infrastructures digitales deviennent des armes géopolitiques, la Suisse pourrait créer un label de neutralité numérique : un espace sécurisé, non manipulable, garantissant que les données ne soient pas instrumentalisées dans les conflits. Ce serait une manière de prolonger l’esprit de Genève dans le cyberespace, et de faire de notre pays un refuge numérique neutre.
La neutralité n’est pas la prudence des faibles, mais le courage des indépendants : celui d’écouter sans juger, de relier plutôt que d’opposer, de construire au lieu de condamner. Dans un monde où la tentation du bloc contre bloc revient en force, notre devoir est de montrer qu’il existe une autre voie : celle du dialogue, de la raison et de la création.
La Suisse a toujours su transformer sa neutralité en outil de paix. À nous désormais d’en faire aussi un outil d’innovation et de confiance, capable d’apporter des solutions là où la confrontation échoue.