Neutralité suisse : relancer le débat, regagner une vision

Publié le 02.04.2025

Le 2 avril, la journaliste Alexandra Klucznik-Schaller s’est entretenue avec moi dans Perspective Catholique (lien vers l’article).

Alors que les tensions géopolitiques redéfinissent les équilibres internationaux, la Suisse voit son concept historique de neutralité interrogé comme rarement auparavant. Le Centre de Genève pour la Neutralité (CGN), né à l’initiative de Nicolas Ramseier, propose d’approfondir le débat démocratique sur cette question clé.

La neutralité : une tradition, mais pour quel avenir ?

Pour Nicolas Ramseier, cofondateur et vice-président du CGN, « nous arrivons à la fin d’un cycle ». Face à l’émergence de nouvelles puissances et à la fragmentation de l’Occident, la Suisse ne peut plus se contenter d’une neutralité figée. Elle doit, selon lui, définir collectivement la posture qu’elle souhaite adopter dans ce nouveau monde.

C’est dans cet esprit qu’a été fondé le Centre de Genève pour la Neutralité, une association ouverte, de droit suisse, pensée comme une plateforme indépendante de débat. « Notre tradition démocratique repose sur le débat, l’écoute et les idées qui émergent de la société civile », rappelle Ramseier.
Trois axes pour repenser la neutralité

Le CGN s’est donné pour mission d’ouvrir trois grands chantiers :

  • Relancer le débat public
    Organiser des événements ouverts à toutes les sensibilités politiques pour que les Suisses puissent s’exprimer sur les enjeux liés à la neutralité. « Ce débat est fondamental et doit précéder toute décision institutionnelle ou politique », insiste Ramseier.
  • Créer un réseau international de pays neutres
    Autriche, Irlande, Moldavie… Le CGN imagine une collaboration académique autour de recherches comparées, d’articles et d’échanges de bonnes pratiques. Un travail de fond et de long terme.
  • Construire une souveraineté numérique suisse
    C’est un point central pour Ramseier : « Nous avons perdu le secret bancaire. Ne perdons pas aussi le secret numérique. »
    Il plaide pour une stratégie ambitieuse visant à rapatrier les données, les serveurs et le savoir-faire technologique sur le territoire national. En collaboration avec Simon Janin et Raimondo Pictet, il a cosigné le Manifeste pour une Suisse numériquement neutre, appelant à faire de la neutralité numérique un pilier de l’indépendance du pays.

Une initiative transpartisane

Interrogé sur l’initiative de l’UDC en faveur de la neutralité, Ramseier se montre ouvert : « On n’a jamais trop de démocratie. Le peuple doit pouvoir s’exprimer. »
Le CGN, quant à lui, se veut non partisan : il invite des intervenants de tous bords à ses événements, à l’image du premier panel réunissant Paul Widmer et Ruth Dreifuss.

Le prochain débat, prévu le 9 avril à la Société de Lecture, portera sur la neutralité et la place financière suisse. Le constat est sans appel : « Nos banques souffrent d’avoir appliqué trop vite les exigences de Bâle III et d’avoir cédé aux pressions de Bruxelles et Washington. »
Une question clé sera posée : la neutralité est-elle synonyme d’alignement ou d’indépendance ?

OSCE 2026 : une opportunité à saisir

En 2026, la Suisse assurera la présidence de l’OSCE. Pour Ramseier, c’est une occasion en or :
« En 2014, sous Didier Burkhalter, la Suisse a été un médiateur respecté dans la crise ukrainienne. Pourquoi, en 2025, n’a-t-elle pas été choisie comme lieu de dialogue ? »

L’objectif est clair : restaurer la capacité suisse à jouer un rôle actif dans la paix et la diplomatie. Mais cela demande une volonté politique forte et une préparation dès maintenant.

Un appel à la mobilisation de tous

Nicolas Ramseier se veut pragmatique et rassembleur. Il salue l’intérêt de nombreux élus suisses pour les activités du CGN. Il évoque aussi l’importance d’associer les milieux économiques :
« Une Suisse neutre, c’est aussi une Suisse ouverte aux échanges. »

Pour toutes celles et ceux qui souhaitent contribuer à cette réflexion, les portes du Centre de Genève pour la Neutralité sont ouvertes.

Le débat est lancé. À nous tous d’y prendre part.