Dans un contexte international marqué par le retour des blocs et une polarisation croissante, j’ai eu l’occasion de présenter ma vision de la Neutralité suisse lors de mon intervention au Belgrade Security Conference. À travers ces échanges, j’ai défendu une conception moderne et active de la neutralité, convaincu que les petits États peuvent jouer un rôle décisif dans la stabilisation mondiale, à condition de rester crédibles, indépendants et prévisibles.
Pour moi, la neutralité suisse n’a jamais été synonyme de retrait. Elle est au contraire une responsabilité. Dans un monde où les grandes puissances cherchent à attirer les plus petites dans leurs sphères d’influence, la Suisse doit préserver sa capacité unique à dialoguer avec tous, à rester utile, et à offrir des espaces de médiation que beaucoup d’autres ne peuvent plus garantir. Cette vision s’étend aujourd’hui au domaine numérique : la “neutralité numérique” est devenue un pilier essentiel de notre souveraineté. Elle implique un contrôle réel de nos données, des infrastructures résilientes et des standards transparents, afin d’éviter que la technologie ne devienne un instrument de pression géopolitique. Je suis convaincu que la Suisse peut offrir de véritables “bons offices numériques” et contribuer à établir des normes globales en s’appuyant sur des pôles d’innovation comme l’EPFL, Trust Valley ou le cluster technologique zurichois.
J’ai également souhaité mettre en lumière les opportunités de coopération entre la Suisse et la Serbie. Ces dernières années, j’ai contribué, à mon échelle, à renforcer les liens scientifiques entre le CERN et l’Université de Belgrade, et je vois dans les écosystèmes technologiques serbes, notamment BIO4, Expo 2027 ou encore les parcs scientifiques, un potentiel réel de collaboration avec Genève et la Suisse. Ces partenariats peuvent renforcer non seulement nos économies, mais aussi la stabilité régionale, et permettre à nos deux pays de jouer ensemble un rôle de médiateur neutre.
Au Belgrade Security Conference, j’ai insisté sur un aspect souvent mal compris du modèle suisse : sa prévisibilité. La Suisse évolue sans ruptures, par petites étapes, dans une logique d’amélioration continue qui crée la confiance sur le long terme. Dans des régions où la pression politique et les attentes sont souvent explosives, cette philosophie du progrès incrémental peut offrir une véritable source d’inspiration.
À travers ces interventions, ma volonté, et celle du Geneva Center for Neutrality, est de replacer la neutralité au cœur des débats contemporains, qu’il s’agisse de sécurité, de technologie ou de gouvernance internationale. Je défends une lecture moderne, ambitieuse et pragmatique de la neutralité suisse : une neutralité active, numérique, ouverte sur le monde, mais solidement ancrée dans l’indépendance et la stabilité qui font la force de notre pays depuis des siècles.