Longtemps pilier de la place financière, la neutralité de la Suisse est remise en question

Publié le 10.04.2025
Une série d’accords, tant avec les États-Unis qu’avec l’Union européenne, a mis sous pression les banques helvétiques.

Le 9 avril, à la Société de Lecture, le Centre de Genève pour la Neutralité a organisé un débat sur le thème : « La place financière suisse et la neutralité », réunissant des personnalités suisses et des représentants de grandes banques étrangères actives en Suisse.

L’objectif : susciter une réflexion autour de questions clés. La neutralité est-elle encore nécessaire à la place financière suisse, et quels sont aujourd’hui ses avantages compétitifs ? Que faire si l’Union européenne (UE) maintient les sanctions alors que les États-Unis les lèvent : qui devons-nous suivre ? Et quid de l’accès au marché européen et de l’accord institutionnel ?

La neutralité, longtemps pilier de l’attractivité financière suisse, est aujourd’hui remise en question. Historiquement, elle a permis au pays de se positionner comme coffre-fort mondial, notamment grâce au secret bancaire. Mais l’érosion de ce dernier, sous la pression d’accords tels que FATCA (échange automatique d’informations fiscales avec les États-Unis) et la directive européenne sur l’épargne, a révélé la fragilité d’un modèle basé sur un atout unique. La Suisse doit donc redéfinir sa stratégie en s’appuyant sur ses forces structurelles : stabilité politique et institutionnelle, notation de crédit AAA, savoir-faire en gestion de fortune.

Parmi les avantages compétitifs restants, notons aussi la grande densité du réseau bancaire, l’accès au crédit local, la solidité du franc suisse et une expertise mondiale en gestion de fortune. Toutefois, la concentration du risque autour d’UBS – désormais deux fois plus grosse que le produit intérieur brut (PIB) national – représente potentiellement un déséquilibre majeur. Le modèle too big to fail est presque devenu too big to rescue, appelant à un questionnement sur le régime de gouvernance et de supervision.

Dans un monde multipolaire où l’UE et les États-Unis pourraient adopter des stratégies divergentes sur les sanctions, la Suisse ferait face à un dilemme.

Dans un tel scénario, il est probable qu’elle doive maintenir les sanctions européennes, au détriment de sa place financière. Le coût d’un désaccord avec l’UE, son principal partenaire économique, comme le rappelle la Stratégie de politique extérieure 2024–2027 du Conseil fédéral, serait trop élevé pour justifier un alignement sur les États-Unis. Quant à l’accès au marché européen et à l’accord institutionnel, ils restent cruciaux pour les banques. Leur avenir dépendra probablement d’un référendum d’ici à 2026. Un échec compromettrait l’accès aux services transfrontaliers et affaiblirait la compétitivité du secteur.

En résumé, la Suisse doit veiller à préserver sa stabilité, notamment en lien avec sa seule grande banque restante, et clarifier sa stratégie européenne afin d’assurer résilience et crédibilité.