La Suisse doit sortir de son somnambulisme économique

Publié le 06.08.2025

Face à la montée des tensions commerciales mondiales et à l’imposition brutale d’un droit de douane américain de 39 % sur une large part des exportations suisses, notre pays ne peut plus se permettre la prudence qui la caractérise. Si cette tradition nous a longtemps bien servi, le paysage économique international a changé. Nous devons désormais adopter une posture résolument proactive, faute de quoi nous risquons une marginalisation durable.

Nous sommes les héritiers d’un succès fondé sur l’ouverture. Les exportations représentent environ 72 % du PIB suisse, un chiffre qui reflète notre intégration profonde dans l’économie mondiale. Mais cette force masque une fragilité : notre compétitivité repose sur des secteurs à très haute valeur ajoutée (pharmaceutique, horlogerie, machines de précision) aujourd’hui directement visés par les mesures protectionnistes américaines. Et il faut le souligner : le marché américain reste, pour beaucoup d’entreprises suisses, le seul grand marché en croissance.

Autre point : longtemps perçu comme un pilier de notre stabilité, le franc suisse devient aujourd’hui un facteur de tension. En 2025, malgré les interventions répétées de la BNS sur le marché des changes, le franc s’est encore apprécié. Ces interventions, bien que motivées par des objectifs de stabilité des prix, ont suscité de nouvelles accusations de manipulation monétaire par le Trésor américain.

Celui-ci surveille trois critères : un excédent bilatéral avec les États-Unis de plus de 15 milliards de dollars, un excédent courant supérieur à 3 % du PIB, et une intervention sur les changes dépassant 2 % du PIB. La Suisse remplit les trois. Elle a donc été placée sur la liste de surveillance américaine en juin 2025. Le message devrait être clair pour nous, la Suisse est désormais exposée, voire isolée.

Nos PME, colonne vertébrale de notre tissu économique, seront les premières à en souffrir. Contrairement aux multinationales, elles n’auront ni la souplesse ni les moyens pour relocaliser ou réorganiser leurs chaînes de valeur à court terme. Les conséquences peuvent être rapides, baisse des marges, recul des commandes, précarisation de l’emploi.

Et pourtant, la Suisse ne semble pas toujours avoir de cap clair. Le blocage prolongé avec l’Union européenne complique toute alliance face aux États-Unis. Même avec le Royaume-Uni, aucune dynamique structurée n’existe. Nous avons préféré attendre plutôt qu’anticiper. Résultat, ni l’UE ni les États-Unis ne nous incluent dans leurs calculs stratégiques. Il nous faut pousser pour un véritable dialogue sectoriel avec l’Union européenne, consolider nos relations commerciales avec le Royaume-Uni, et accélérer la diversification de nos débouchés, en Asie, au Moyen-Orient et en Amérique Latine. Nous devons non seulement multiplier nos points d’ancrage, mais aussi revendiquer plus clairement notre alignement stratégique avec l’Europe, afin de peser collectivement face aux États-Unis.

Plus que jamais, nous devons agir avec clarté et détermination. Le monde n’attend plus que les observateurs passifs se réveillent. La Suisse doit redéfinir ses intérêts, les défendre avec fermeté, et non avec nostalgie.