Dans un contexte d’imposition de droits de douane sur les principales exportations suisses vers les États-Unis, la Suisse a envoyé deux conseillers fédéraux, Karin Keller-Sutter et Guy Parmelin, à Washington. Dans un monde incertain, il faut se demander ce qu’une telle visite peut réellement accomplir.
Le succès de la Suisse repose depuis longtemps sur l’ouverture. Les exportations représentent plus des deux tiers de notre PIB, tirées par des secteurs à forte valeur ajoutée, tous désormais ciblés par les Américains. Ce pays reste pourtant l’un des rares grands marchés en croissance, ce qui rend la situation d’autant plus préoccupante.
Deux éléments crispent Washington : notre excédent commercial et des soupçons, selon moi infondés, de manipulation monétaire liée à la politique de la BNS sur le franc. Karin Keller-Sutter a tenté de rappeler que, ces deux derniers mois, la Suisse ne présentait plus d’excédent, mais la position américaine est claire : il ne s’agirait à leurs yeux que d’une anomalie conjoncturelle, les grandes entreprises suisses, notamment pharmaceutiques, attendant simplement une normalisation des accords bilatéraux pour relancer leurs exportations. Fondées ou non, les accusations ont conduit à des mesures tarifaires sévères.
Rappelons que nous avons supprimé unilatéralement les droits de douane sur les importations industrielles américaines dès janvier 2024. Pourtant, les États-Unis continuent d’accuser un déficit commercial. Pire, ce maintien du déséquilibre alimente l’idée, chez certains responsables américains, que la Suisse applique discrètement un modèle « à la japonaise » : une économie ouverte en théorie, mais fermée en pratique. Nos rayons resteraient peu fournis en produits américains malgré l’ouverture tarifaire.
Face à cette asymétrie, il est temps de voir plus large. Plutôt que de se rendre seule à Washington, la Suisse aurait pu commencer par Londres. L’idée d’une zone économique Suisse–Royaume-Uni, évoquée depuis la crise de 2008, mérite d’être réactivée. Le moment est étonnamment propice.
Le Royaume-Uni dispose d’une jurisprudence respectée, d’un système financier mondialisé et d’un poids critique. La Suisse, quant à elle, incarne la stabilité, l’efficacité et la confiance. Ensemble, ces deux États non-membres de l’Union européenne forment un pôle complémentaire et cohérent, fondé sur la liberté économique et la souveraineté nationale.
Un tel partenariat renforcerait notre poids vis-à-vis des États-Unis, mais aussi dans nos échanges avec les autres blocs économiques. Ce serait un signal stratégique : celui d’un refus d’isolement et d’une volonté de bâtir des alliances ambitieuses entre nations ouvertes. Dans un monde qui ne récompense plus la prudence solitaire, il est temps de renouer avec l’audace.